L’une des causes fondamentales de la migration irrégulière en Guinée est la pauvreté qui s’explique généralement, par l’inadéquation nette entre le revenu plus ou moins faible et les besoins des familles.
La plupart des candidats à cette migration ne le font pas par choix mais plutôt, par obligation morale qui se traduit par la volonté de subvenir aux besoins de leurs familles respectives.
Les jeunes choisissent la voie irrégulière dans l’espoir d’arriver de l’autre côté de la mer et trouver leur “Eldorado” (un emploi, un salaire, le bien-être, la réussite etc.) malgré les difficultés et contraintes qui y sont liées.
Dans ce billet, un jeune migrant revient sur les raisons de son aventure et les conditions pénibles dans lesquelles il a effectué son voyage. Donnons lui la parole pour nous raconter son histoire. Mais avant, nous appelons ce jeune ”Moussa” qui est un nom d’emprunt pour garder son anonymat.
Je m’appelle Moussa, je suis migrant de nationalité guinéenne. Avant mon départ j’exerçais le métier de tailleur avant de partir de la Guinée en 2019 pour me rendre au Maroc et j’ai rejoint l’Espagne en 2020.
‘‘Les raisons de cette aventure’’
Ce qui m’a poussé à quitter mon pays, la première des choses j’avais un travail et une famille. Ma famille était plus nombreuse que ce que je gagnais comme revenu. Mon revenu était très mince par rapport à toute la famille, donc ceci ne me permettait pas de couvrir les besoins de la famille. C’est ainsi que j’ai revendu une partie de ma parcelle et j’ai voulu envoyer mon petit frère mais ma maman a dit que je suis l’aîné alors je dois venir d’abord avant mon petit frère. Finalement j’ai pris un vol de Conakry au Maroc en passant par le Sénégal et la Mauritanie.
Quand je suis arrivé au Maroc, je suis venu dans la ville de Casablanca où j’ai passé une semaine. Pour la première fois, quand j’ai vu les noirs, je me suis demandé : que font-ils tous ces noirs ici ? C’était une surprise pour moi. Un autre jeune que j’ai rencontré là-bas m’a dit : Tous ces noirs que tu vois ici sont venus pour traverser.
……
A Rabat, nous étions environs 20 personnes dans une maison de deux (2) chambres et salon. On dormait à terre sans de bonnes couvertures… on dormait la journée et on veillait la nuit car on ne pouvait pas sortir.
Quand la police t’arrête ici, c’est pour aller te jeter au milieu du désert et c’est très difficile de survivre dans le désert. À défaut, elle te rapatrie vers ton pays d’origine. En ce moment tu perds tout ton investissement et tu reviens à zéro.
Après Rabat, nous sommes allés à Tanger. A Tanger on était près de 40 personnes enfermées dans une maison, on respirait difficilement et on ne pouvait pas sortir.
Ensuite nous sommes venus à Nador. A Nador, notre domicile c’était la forêt pour éviter les “Boumboulas” (policiers). On est resté dans cette forêt pendant un mois, chaque jour on sortait le matin et on marchait plus de 15 kilomètres aller-retour… pour aller se cacher sur les montagnes.
Après Nador, on est allé dans une autre ville qu’on appelle Al Hoceima. Ici, on nous a mis dans une maison où on élevait les bœufs et chameaux tout près de la mer. On est resté ici 2 jours, et le 3ème jour on s’est mis en route pour le bord de la mer, on a marché à travers les montagnes pour ne pas être repérer par la police… C’est aux environs de 2h du matin qu’on est arrivé au bord de la mer, après on nous a envoyé le matériel d’embarcation avec du pain et quelques boîtes de sardines. A 4h on s’est embarqué à bord d’un Zodiaque direction l’Espagne. Après 18h de parcours dans la mer on a été sauvé par la police maritime espagnole.
‘‘Ce qu’on croit être est différent de la réalité’’
Tu vas négliger ce que tu as chez toi jusqu’à ce que tu sortes de chez toi, c’est quand tu sors et tu vois ce qui se passe ailleurs que tu vas te rendre compte que tu avais une vie chez toi. C’est des travaux que tu n’imaginais pas faire chez toi que tu feras ici. Tu n’auras pas le choix.
Il n’est pas facile de trouver un travail ici, si tu n’as pas les papiers tu ne peux rien faire, rien du tout. Ce que j’ai vu à mon arrivée est tout à fait contraire à ce que j’espérais. Je ne pensais pas que j’allais rester une année sans avoir du travail ou faire une formation. D’ailleurs, certains peuvent rester jusqu’à 3 ans avant d’être éligible pour avoir les papiers.
MAMADOU HADY BALDE