Je ne croyais pas à l’implication de la famille dans la migration irrégulière jusqu’à ce qu’un membre de ma famille me propose un jour cette “alternative” ; comprenez la migration irrégulière.
Depuis ce jour, je me suis posé la question de savoir : si nos familles nous encouragent et s’investissent dans cette aventure incertaine, ne sont-elles pas alors directement responsables de tous nos malheurs dans le Sahara et dans la Méditerranée ?
Cette question me hante tous les jours et pour tenter de trouver une réponse, je la pose systématiquement dans tous mes échanges que j’ai avec des gens sur ce sujet.
Pour la petite histoire, j’étais fraîchement sorti de l’université en 2016 avec un diplôme de licence en Sociologie avec mention. Comme tout autre jeune diplômé, dans ma tête, j’étais prêt à aller vers un emploi bien rémunéré, qui me permettrait de réaliser mes ambitions et de faire une belle carrière professionnelle.
J’étais convaincu d’avoir un emploi dans les mois qui suivent l’obtention de ce diplôme. Naturellement, chaque jeune aspire travailler pour réaliser ses ambitions et participer au développement économique de sa famille et de sa communauté !
Après plusieurs dépôts de dossiers dans différents endroits, qui se sont soldés par de silences absolus, j’ai marché bureau après bureau, jour après jour, mais le résultat reste le même. C’est ainsi qu’un jour un membre de ma famille m’a conseillé de tenter la migration irrégulière par ces mots : « Puisque tu n’as pas trouvé un emploi jusqu’à présent, moi je te suggère de revendre le terrain (la parcelle) de ta mère et aller au Maroc. Là-bas, tu auras un passeur qui t’emmènera en Espagne ».
Pour m’encourager davantage, il ajoute : « Toute la famille compte sur toi, et toi tu n’as personne sur qui compter. Car ton père est décédé et tu es l’unique garçon de ta mère ».
J’étais malheureux, oui malheureux, parce que je n’arrivais pas à m’en sortir. Mais sa proposition était loin d’être la solution. c’était de risquer ma vie.
Certes j’étais dans des difficultés, en acceptant sa proposition, voici les risques que je devais prendre :
- Revendre le terrain de ma mère et me faire arnaquer par un faux passeur au Maroc ;
- Laisser ma vie aux charognards dans le désert marocain ou dans la mer loin de ma famille ;
- Se faire arrêter, maltraiter et rapatrier par la police marocaine ;
Si par un coup de chance, j’entre en Espagne, passer des années de retard sans avoir des papiers. Or, en Europe si tu n’as pas de papiers, tu ne peux pas espérer avoir du travail. En tout cas, pas un bon travail !
Les risques étaient élevés, oui très élevés pour moi. Par conséquent, j’ai décidé de rester et tenter de réussir ici, chez moi. C’est ainsi que j’ai pris l’initiative de me lancer en suivant des formations en entrepreneuriat social et dans le développement personnel.
Aujourd’hui, je travaille dans une boite de la place et j’ai réussi à commencer mon intégration professionnelle.
Alors tout ceci m’a amené à me poser les questions suivantes :
- Quel rôle joue la famille dans le processus de la migration irrégulière ?
- Combien de jeunes ont perdu la vie dans la migration irrégulière par la faute de la famille ?
- Quelles mesures dissuasives pour les familles des jeunes candidats à la migration irrégulière ?
Laissez-moi vous préciser que cette histoire que je vous raconte date de 2016. Cela dit que la migration irrégulière est encore une question d’actualité qui préoccupe non seulement les pays de départ mais aussi les pays d’accueil dans leurs politiques de développement.
Par ailleurs, cette histoire n’est qu’un fragment parmi tant d’autres car le phénomène de migration irrégulière continue de vider le continent africain de sa jeunesse.
La migration même régulière n’est pas forcément un facteur de réussite. Avec toutes les potentialités que dispose le continent africain, il est possible de réussir ici et maintenant. On peut tenter notre chance, non ?!
MAMADOU HADY BALDE