Migration régulière : toutes les voies n’aboutissent (forcément) pas à de bonnes choses ! Témoignage d’une migrante régulière…
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Migration régulière : toutes les voies n’aboutissent (forcément) pas à de bonnes choses ! Témoignage d’une migrante régulière…

En longueur de journée, on me rabâche que le meilleur moyen de rejoindre l’Europe est de voyager de façon régulière. C’est-à-dire en bonne et due forme. Et évidemment, à ce moment-là, je pense aux vols avec des voyageurs munis de visa ou de cartes de séjour et tout le tralala qui va avec. Mais ces personnes qui passent le message sont-ils au courant des situations de certains Guinéens qui se sont fait arnaquer en voulant voyager dans la légalité ? Il est important de poser la question surtout que dans notre pays, des « gens de bonne foi » ne manquent pas. Ces gens qui, faisant semblant de t’aider, t’embarquent dans un vol à Conakry pour ensuite t’abandonner à ton propre sort une fois envolé. 

Ceci arrive à de nombreuses personnes. Et aujourd’hui, Marie Soromou qui a vécu une histoire similaire décide de briser le silence sur l’autre visage de sa migration, qu’elle a voulue régulière. Voulant aller faire des études de master en France, après une licence en sciences politiques, Marie tente plusieurs fois de voyager via Campus France. Sans succès! Dans sa galère, un ami – décédé aujourd’hui – lui propose de transiter par l’Egypte où sa sœur vit pour rejoindre ensuite la France facilement. La difficulté d’obtenir un emploi après ses études en 2013 ne la fait pas tergiverser longtemps. Elle envoie de l’argent au mari de la dame qui lui achète un billet d’avion et trouve des documents justifiant son séjour par une formation en informatique pour 3 mois, tout ceci lui coûte plus de 20 millions de nos francs. Elle s’envole ainsi et atterrit en Egypte le 26 décembre 2016.

Quelques jours après son arrivée en Egypte, Marie découvre en se renseignant qu’il est impossible de trouver un visa pour la France. La cause ? Elle ne le sait pas vraiment, mais elle croit que cela est dû au teint de sa peau. Ne voulant pas retourner de sitôt après cette  déconvenue, la jeune femme décide de mener une activité pour subvenir à ses besoins. Ménagère, technicienne de surface, baby-sitter, Marie Soromou s’essaye à tout. « J’étais une femme de ménage. J’ai commencé dans une famille où je n’ai pas supporté pour un début parce qu’il fallait vraiment bouger toute seule tout ce qui était dans cette maison (…) J’ai fait là-bas une semaine. Je n’ai pas supporté, j’ai quitté (…) Mon deuxième emploi, c’était faire le baby-sitting et ce qui est dommage dans ça, c’est que tant que l’enfant ne dort pas, tu ne dors pas. Je me suis retrouvée dans cette famille où je me couchais à 2h du matin pour me réveiller à 3h du matin (…) Je me suis dit qu’en Guinée je n’aurais jamais fait ça ; pour quoique ce soit je n’aurais fait ça (…) Là, j’étais obligée parce que le salaire n’était pas mal. J’ai tenu 6 mois », se souvient la migrante.

L’autre réalité d’une vie de jeune fille en Egypte

Hébergée par des amis, elle quitte vite l’endroit parce qu’on essaie d’abuser d’elle et que la sœur de son agresseur ne la croit pas. « On a toujours tendance à penser que ce sont les Arabes qui font du mal à nos sœurs à l’étranger, mais des fois c’est le contraire. Parce qu’on a nos propres “frères” mêmes qui commencent à abuser de leurs “sœurs” avant d’autres. Moi, j’ai eu de la chance, j’ai eu la force de me défendre et je suis sortie de la maison. Quand j’ai expliqué ça à la sœur de mon ami, elle m’a dit que son frère ne peut pas faire ça. Donc de là, j’ai décidé de prendre une maison », explique-t-elle.

Avec l’aide de sa maman qui continue à la soutenir financièrement, la jeune dame fait un boulot à mi-temps ; et parallèlement, elle suit des cours de comptabilité et de mode. Seule fille noire de sa classe, ses collègues la discriminent. Des cours qui devaient être dispensés en anglais le sont désormais en arabes. Cette exclusion lui rappelle d’autres difficultés que des filles africaines rencontrent : agression, accusation à tort, emprisonnement, etc. « On les embauche pour être des techniciennes de surface, des baby-sitter et tout mais quand ils n’ont pas les moyens de payer ces travailleuses à la fin du mois, elles (patronnes, ndlr) inventent juste des choses du genre : on m’a volé de l’argent et d’autres choses… Elles vont carrément oser mettre des objets dans le sac de ces filles pour après prouver que ces filles ont volé quelque chose (…) Si elles sont accusées, ces filles-là, elles sont envoyées directement à la police. Quand elles y sont envoyées, il faut forcément non seulement payer l’argent qu’elle dit être volé mais après, elles sont des fois frappées voire violées », témoigne Marie Soromou.

‘‘C’est vrai qu’on dit souvent d’emprunter la voie régulière pour voyager mais ce n’est pas toutes ces voies régulières qui aboutissent à de bonnes choses. Dans les voies normales, on peut avoir le billet d’avion et quand on rentre, on trouve que c’est le contraire. Et la voie irrégulière aussi, c’est pire’’, ne manque-t-elle pas d’affirmer après sa mésaventure.

« En Guinée ici, nous pouvons entreprendre quelque chose et réussir », dixit Marie Soromou

Munie de ses attestations, Marie Soromou décide de retourner en Guinée après près de 4 ans de vie en Egypte. Dans sa démarche, elle est aidée par une connaissance à l’ambassade guinéenne en Egypte et par la représentation de l’OIM sur les lieux qui la prend en charge et lui permet de rentrer au bercail trois semaines après s’être présentée. Elle foule la terre guinéenne à nouveau le 13 février 2020. Même sans accompagnement de l’OIM pour le moment, celle qui voulait faire des études poussées en Europe a une nouvelle passion : la mode. Elle s’exerce à la réaliser en travaillant dans un atelier de couture vers l’aéroport de Conakry en attendant d’obtenir des moyens pour ouvrir le sien à Yattaya.

Pour ses conseils sur la migration régulière, elle invite les candidats à se poser les bonnes questions pour une migration réussie. « Avant de voyager, je veux que les gens se posent beaucoup de questions. Comment vais-je y aller ? Qu’est-ce que je vais faire là-bas ? Qui je vais aller rencontrer ?  Qu’est-ce qui pourrait m’arriver une fois là-bas ? Est-ce que la liberté que nous avons ici, nous pouvons l’avoir où nous partons ? Est-ce que la personne pourra me soutenir ? Est-ce qu’une bonne personne ? Il faut qu’il y ait d’abord une garantie et une personne de confiance pour penser à aller rester avec eux. Quand nous sommes en Guinée, nous avons des mentalités différentes et quand nos frères sont de l’autre côté, ils sont différents des personnes que nous avons connues ici parce que là-bas, les gens cherchent à survivre et si dans leur survie, ils sont capables de te créer des problèmes, ils le feront sans arrière-pensée. C’est vrai que nous envions tous l’extérieur mais je me dis qu’en Guinée ici, nous pouvons entreprendre quelque chose et réussir », déclare-t-elle.

Comme Marie Soromou, de nombreux jeunes surtout des filles passent par ces situations. En voulant éviter les voyages clandestins, ils découvrent le revers de la migration régulière. Toutefois, il est désormais important de se poser les bonnes questions comme celles citées ci-haut,  quand vous choisissez de migrer, de façon  régulière ou irrégulière.

ELISABETH ZÉZÉ GUILAVOGUI

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