L’autre partie plongée de la migration irrégulière
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L’autre partie plongée de la migration irrégulière

La traversée de la Méditerranée constitue aujourd’hui un drame pour le continent africain. Selon les Nations Unies plus de 5.000 migrants sont morts en 2016 contre 3.771 en 2015. Malgré ces chiffres regrettables, le nombre des candidats à l’immigration irrégulière reste encore énorme. La Guinée est l’un des pays les plus affectés, selon le rapport sur le profil migratoire national 2020, ils sont 7.121 en 2018 contre 13.839 en 2017 à tenter la traversée.

Malheureusement, La mauvaise gouvernance soldée par l’échec des politiques et programmes d’intégration économique et politique des jeunes et l’émergence d’un trafic plus organisé mis en place par le réseau des passeurs favorisent ce phénomène.

Cet article qui est le fruit d’une recherche documentaire et d’une série d’entretiens avec les migrants retournés, aborde le caractère nuisible aux droits humains et à la stabilité régionale et aussi la nécessité d’une riposte holistique et transfrontalière.

Un trafic bien organisé :

Moussa, jeune migrant retourné, dans un entretien nous confie ceci : « Un jour, un grand du quartier est venu et a commencé à nous parler de l’idée du voyage vers l’occident en passant par la Méditerranée. Après 3 ou 4 passages, il nous laisse comprendre qu’il connait un réseau fiable et sécurisé qui pourra faciliter le voyage. Après échanges, nous avons finalement cédé et nous nous sommes mobilisés à quatre pour le contacter en toute discrétion. Ainsi, nous avons été à Madina dans un coin où nous avons versé un premier montant équivalent de 50 euros. Nous avons été mis en contact avec un chauffeur qui nous a conduit jusqu’à Bamako pour ensuite être mis en contact avec un passeur… Bref, de Conakry à Alger nous avons été successivement mis en contact avec 6 groupes de passeurs ».

Ce témoignage laisse voir clairement qu’à l’image de tout autre crime organisé, le réseau de passeurs pour les candidats à l’immigration s’organise parfaitement bien depuis les quartiers à travers les rabatteurs jusqu’à destination dans les pays du Nord de l’Afrique. Ce réseau a aujourd’hui une ligne de communication et de partage d’information bien établie afin de faire fleurir son business et amasser des fortunes.

Violation des droits humains, exploitation et abus sexuels

Les passeurs ont des espaces bien aménagés et bien sécurisés avec des « gros bras » bien armés. Dans ces camps, les candidats à l’immigration sont soumis à toute formes de violences dont les sévices corporels, les travaux forcés et les ventes aux enchères. Pire, ils sont gardés dans des conditions très précaires avec à peine un repas journalier. Au dire des migrants retournés, les candidates quant à elles sont soumises à toutes formes d’exploitation et d’abus sexuels. Ce qui n’est pas sans conséquences sur leur santé physique et psychique. Le fameux reportage de la Chaîne de télévision américaine (CNN) sur le trafic d’êtres humains en Libye a permis de lever une partie du voile et de lancer un débat international et par conséquent la prise des actions de riposte.

Malheureusement, ces pratiques persistent et se renforcent encore sous un laxisme notoire des services de sécurité des différents pays concernés. Cependant, elles constituent une violation grave des droits et de la dignité humains et ne devraient faire l’objet d’aucune tolérance.

Des raquettes qui ruinent les familles et édifient le réseau

Dans chacun des camps érigés par les passeurs, nous sommes séquestrés contre une rançon qui varie entre 200 euros et 400 euros. Soit un montant minimal total de 1.200 euros distribués pour tout le trajet.

Les candidats à l’immigration sont généralement issus de familles modestes avec des revenus assez faibles. Le paiement de ces rançons vient donc appauvrir davantage les familles et aussi les mettre dans une situation d’endettement. Macky, jeune migrant retourné m’a confié ceci : « depuis mon retour au pays, mes sommeils sont perturbés par la situation dont ma famille vit aujourd’hui à cause de ma décision que j’avais jugé salvatrice. Mes parents se sont endettés auprès des voisins pour payer les différentes rançons demandées. Chaque jour je sens leur difficulté à y faire face. Aujourd’hui je suis un fardeau pour ma famille, pourtant j’ai juste voulu la rendre heureuse ».

En s’amusant à faire un jeu de chiffres, rien que pour la Guinée, il ressort que sur la base des chiffres des candidats à l’immigration et des montants déboursés, le réseau des passeurs a engrangé au minimum seize millions six-cent-six mille huit cents euros (16.606.800 €) en 2017. Ce qui constitue une manne financière non négligeable pour perdurer et étendre l’influence.

Une action concertée et coordonnée s’impose de toute urgence

Lutter contre la migration irrégulière implique une prise en compte de tous les facteurs connexes.

Face aux éléments susmentionnés, les Gouvernements africains et leurs partenaires impliqués dans la prévention de la migration irrégulière doivent de toute urgence s’intéresser aux réseaux des passeurs. En prenant des mesures idoines pour démanteler et éliminer ce trafic qui, si rien n’est fait, sera l’un des crimes les plus organisés qui déstabiliseront durablement la paix en Afrique.

Cela passe nécessairement par une coopération internationale solide et bien coordonnée par :

L’adoption d’une directive continentale en matière de lutte contre la migration irrégulière: à l’image de Europe qui a établit des règles communes à l’ensemble des Etats membres dans une directive européenne dénommée « retour » approuvée par le parlement européen, il appartient également donc au parlement africain de se pencher sur le sujet pour faire pareil ;

Le renforcement des services de sécurité et renseignements internes pour le démantèlement des cellules nationales ;

La promotion de l’entraide judiciaire pour le partage d’information et l’extradition des présumés trafiquants ;

Il appartient donc à chacun dans une démarche citoyenne de contribuer pour préserver la vie et la dignité des jeunes candidats à la migration irrégulière et aussi consolider la stabilité de nos pays en intégrant le dispositif d’alerte précoce et d’intervention rapide.

FELIX DOUNIA MILIMONO

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