Boubacar Bah est né à Kindia en 1992. Des parents pauvres, En 2018, il décide de partir en Europe pour aider à subvenir aux besoins de sa famille. Après avoir vu tous ses amis et cousins partir légalement, il a décidé lui aussi, en janvier de cette année2018 de partir. Mais lui par la voie illégale. Contrairement à ses amis et cousins qui avaient, eux, déjà les moyens finaciers nécéssaires.
J’ai eu Boubacar au téléphone pour me témoigner de sa mésaventure.
“J’ai quitté Conakry avec un ami, un jeudi de janvier avec 1500€ en poche. Quand nous sommes arrivés à Bamako, la capitale malienne, nous avons trouvé d’autres migrants. C’est avec eux qu’on a entamé la traversée. On a vécu de terribles histoires ensemble.”
Le souvenir de son voyage est encore gravé dans sa mémoire.
De Bamako à Alger, en passant par la Libye, Boubacar me raconte cette dureté de la vie, ce terrible parcours. Dans le désert du Niger, il voyait ses amis pleurer parce qu’ils avaient soif et personne ne demandait à l’autre ce qui n’allait pas, c’est à dire pourquoi il pleurait…
“J’ai vécu plein de choses. J’ai été témoin de choses terribles ; c’était difficile de trouver à manger ; certains n’y arrivaient pas certains jours. Des femmes ont été violées. Des gens ont été blessés. Des familles se sont disloquées ; des frères ont perdu leurs frères dans le désert. Et parfois, quand les camions tombaient en panne, on retrouvait toujours des passagers morts.”
À Agadez, la ville du grand Nord du Niger, Boubacar rencontre encore des problèmes. En effet, La vie y est restée pour lui un véritable calvaire.
“Il y a des problèmes à Agadez. Je ne parle pas la langue des gens. Souvent, c’est difficile de trouver de la nourriture. C’est rare qu’on puisse appeler la famille. Chaque soir, on se couche en se demandant ce que Dieu nous réserve pour le lendemain.”
Boubacar et son ami, avaient eux, eu la chance de rejoindre l’Algérie par ce désert, après avoir vu plusieurs de leurs amis mourir de faim, de tortures et de viols.
Une fois En Algérie, les deux potes doivent travailler pour gagner de quoi poursuivre leur périple.
“Arrivée en Algérie sans rien presque. Pas d’argent pour nous nourrir. On a décidé de faire ce boulot qu’on ne faisait pas au pays : la maçonnerie. On a travaillé pendant deux(2) mois pour pouvoir obtenir la somme nécessaire pour notre traversée”.
C’est après avoir obtenu cette somme, que les deux amis ont décidé de poursuivre le chemin pour la Libye.
Comme d’habitude, malgré tous les risques, toutes les difficultés, ils ont rejoint la Libye.
En Libye, ils ont vécu l’enfer sur terre.
Boubacar témoigne…
“C’était difficile en Libye tu sais. Très difficile. J’ai été détenu en prison trois fois dans la prison de Zabrata. Ils m’y ont mis pour rien, parce que je suis noir. Ils m’ont frappé à plusieurs reprises, frappé, frappé,…”.
Sa voix commence à changer et je le ressens à partir de mon téléphone. Je ressentais également l’émotion et la douleur qu’il avait en lui tout au long de l’explication.
“Je suis parti de la Guinée Conakry avec un ami. Mon meilleur ami. On a fait la route ensemble, on s’est soutenu jusqu’à sa mort. Lui, il est mort en prison. Ils l’ont battu à mort !. Moi, j’étais solide dans mon corps et dans ma tête. Pas lui. Ils l’ont tué. Il avait 20 ans. Ils nous ont frappé pendant des jours, attachés à une croix. Ils nous ont privé de nourriture pendant des jours. La première fois, ils ont attaché des câbles électriques dans mon dos et ils m’ont torturé pendant qu’ils appelaient mes parents pour demander de payer une rançon. Mes parents ont payé et je suis sorti. La deuxième fois, quelques mois après, j’ai été enlevé et mis en prison à nouveau. Ils ont recommencé. A la fin, ils m’ont tellement frappé que je me suis évanoui. Ils ont cru que j’étais mort et m’ont jeté dehors avec les corps des autres personnes décédées. La dernière fois, la troisième, j’ai réussi à m’échapper. J’ai appelé mes parents. Et, c’est mon oncle qui m’a envoyé un peu d’argent pour pouvoir surmonter cette douloureuse étape… . La Libye, c’est l’enfer, bro !.”
“Pour rien au monde, je ne le referai”
“Dans la mer également, c’est seul l’unique Dieu qui m’a aidé et je suis rentré. Je ne demande à personne, je dis à personne de passer par cette voie meurtrière.”
“Depuis que je suis arrivé en France, ça fait des années, je suis sans papiers. J’aurais dû rester chez moi et continuer mon boulot que j’avais, mais hélas.”
Y’a pas mieux que chez soi.
ALPHA BAH
