Méditerranée, la mer briseuse de rêve
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Méditerranée, la mer briseuse de rêve

On l’appelle la mer du milieu. Elle s’étend à perte de vue et semble inoffensive et calme à première vue. La Méditerranée, pour beaucoup une mer comme tant d’autres pour plusieurs une route vers le bonheur qui se transforment souvent en enfer. Cette mystérieuse étendue d’eau relie deux continents, deux vies , L’Afrique et L’Europe.

Sans papiers et sans autres issues , des milliers d’africains tentent chaque jour l’aventure au prix de leur vie. La peur au ventre mais la tête pleine de rêve ils se lancent dans cette quête du bonheur tant espéré. Après les douleurs du pays , la soif et la souffrance du Sahara, les voici devant la mer du milieu , devant l’avaleuse. Entassés sur un bateau de fortune, des centaines d’âmes perdues , apeurées mais optimistes ,en route vers une vie meilleure. Ce sont des hommes, des femmes et des enfants silencieux. Les prières sont au rendez-vous pour se donner de l’espoir , se protéger de cette étendue d’eau qui ressemble à un monstre prêt à tous les avaler.

Si certains arrivent à passer ce cap , beaucoup d’autres échouent. Cela dépend de l’humeur de la mer du milieu , qui parfois se déchaîne et ne leur laisse aucune chance de survie.  

C’est au milieu des vagues que ses âmes perdues se retrouvent entre des cris de désespoir et des lamentations incessantes. Impossible de décrire leur ressenti avec fidélité. Il faut le vivre pour le décrire.

Les bateaux fragiles qui leur servent d’embarquement ne peuvent supporter les coups violents des vagues déchaînées. Ils tanguent, oscillent dans tous les sens. L’eau pénètre partout et les passagers désespérés essaient tant bien que mal de la reverser à la mer mais en vain. L’avaleuse finit toujours par avoir raison de la volonté de l’effort et des prières. Elle l’engloutit entièrement de manière avide et se remplit le ventre déjà bien plein d’âmes innocentes. Des centaines , des milliers, nul ne sait le nombre exacte. Elle ramène les corps au large quelques heures plus tard après avoir amenée la mort. Ceux-ci se comptent par centaines à chaque fois que l’avaleuse décide de se nourrir. C’est ainsi que cette capricieuse mer du milieu brise des rêves en avalant des vies. Elle s’y plaît et joue son rôle de manière bien habile. Qui étaient ces âmes ?

C’était des hommes désespérés. Des jeunes gens à qui la vie n’a pas fait de cadeau, jamais. Des travailleurs de l’enfer de la vie. Emprisonnés dans ce carcan vicieux et peinant à joindre les deux bouts.

C’était des femmes et des enfants apeurés , fuyant la misère du sud . Difficile de trouver à manger ou de se soigner, leur seule issue est de fuir. A ceux là s’ajoutent les rescapés de guerre qui ne peuvent plus rester chez eux sous peine d’y perdre la vie.

Les raisons diffèrent d’un aventurier à un autre. Chaque histoire, chaque périple est aussi unique que captivant. Malgré les difficultés du pays ,ces hommes y étaient attachés mais le quitter était pour eux la meilleure option. Quitter chez soi et partir loin vers le Nord où à la télé on leur vend chaque jour du rêve. Des immeubles à centaines d’étages,  des véhicules de tout genre , un panorama unique , des entreprises florissantes , la facilité,  la rapidité, tout ce qui leur faut . Pour certains jeunes l’influence de leurs amis vivant en Occident n’est pas négligeable. Avec l’arrivée des réseaux sociaux, la toile est jonchée de jeunes épris de découvertes qui tombent souvent dans l’enchantement, qui sont séduits par la beauté des pays blancs. Alors sans réfléchir ils tentent le tout pour le tout . « Réussir ou mourir » , plus qu’une expression cela est devenue au fil du temps une promesse qu’on se fait ou qu’on fait à ses proches au courant de l’aventure. Ainsi du jour au lendemain des dizaines de jeunes disparaissent petit à petit des villages et des quartiers. On dit qu’ils sont partis à l’aventure, cela n’est que trop vrai. Cependant tout le monde ignore où n’est que très informé de tous les obstacles qui jonchent la route vers le « bonheur ». Tout le monde attend et espère la réussite. De l’autre côté, après le calvaire des trajets routiers, l’enfer du Sahara, c’est l’avaleuse qui se présente. Celle qui est calme et sournoise . Elle brise tous leurs rêves et le plus souvent captive leurs âmes à jamais. Et d’année en année les chiffres ne font que croître vertigineusement.

En mars 2020, un nouveau naufrage au large des côtes libyennes a fait dépasser le nombre de morts en mer Méditerranée à plus de 20.000 depuis 2014. Depuis 2014, l’OIM recense les personnes migrantes disparues au cours de leur périple migratoire. Les chiffres donnent le vertige, à tel point qu’on peine à trouver les mots pour en parler. Depuis mars, des centaines d’autres personnes ont perdu la vie, et on estime qu’en moyenne 6 personnes meurent chaque jour en Méditerranée.

 La diablesse est défiée chaque jour par des centaines d’âmes téméraires. L’avaleuse, tantôt contente tantôt furieuse, les affrontent selon son humeur.  Certains la traversent et réussissent leur pari . D’autres par contre se retrouvent piégés dans cette étendue et leurs âmes emprisonnées à jamais. Cependant même les plus chanceux qui réussissent jette derrière eux un regard fier mais lève la tête droit devant et avance apeurés vers l’inconnu.

Ramata Baldé

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